Esclavage sexuel, mariage forcé, esclavage conjugal : problèmes autour du recueil de la parole des victimes

Esclavage sexuel, mariage forcé, esclavage conjugal : problèmes autour du recueil de la parole des victimes

Gaëlle Breton-Le Goff

La parole des victimes est particulièrement importante car elle sert de base factuelle pour élaborer de nouveaux crimes internationaux – mais recueil de la parole, n’est pas fait sans rencontrer un certain nombre d’obstacles.

Il est troublant de constater que les bourreaux et les victimes qui ont témoigné dans le PROCÈS DE CHARLES TAYLOR devant la COUR SPÉCIALE POUR LA SIERRA LEONE ont chacun utilisé le mot « mariage » pour décrire en fait des relations sexuelles imposées.1 C’est donc sur la base de la parole des victimes et des anciens bourreaux, que le bureau du procureur puis les juges ont construit leur notion de « mariage forcé » dans un premier temps2, puis « d’esclavage conjugal » dans un second temps3. Dans ce contexte, la parole des victimes est particulièrement importante car elle sert de base factuelle pour élaborer de nouveaux crimes internationaux. Aussi, j’ai entrepris de recenser les paroles des victimes qui ont servi à qualifier le crime de mariage forcé/esclavage sexuel dans le cadre des affaires traitées par LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE (CPI) afin de mieux comprendre la logique de la qualification du crime. Toutefois, cet exercice de recueil de la parole, à ma grande surprise, ne s’est pas fait sans rencontrer un certain nombre d’obstacles que je tâcherai de mettre en évidence.

Sur le plan méthodologique, il convient de signaler que l’étude se concentre sur quatre (4) affaires traitées par la CPI relatives aux crimes de mariage forcé/esclavage sexuel : trois (3) en RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO (RDC)4 et une (1) en OUGANDA5. D’autre part, la collecte du témoignage des victimes s’est faite aussi bien au niveau de l’audience de confirmation des charges, qu’au niveau du procès lui-même. Les témoignages provenaient aussi bien des témoins des procureurs que des victimes autorisées à participer à la procédure au titre de l’article 89 et suivant du règlement de procédure et de preuve de la CPI6.

Parmi les problèmes rencontrés dans la quête des paroles des victimes figurent : 1) le faible nombre d’affaires concernant ces crimes ; 2) la multiplication du caviardage des témoignages selon les procès, 3) le rôle d’intermédiaire du Procureur dans l’accès à la parole des victimes au stade crucial de la confirmation des charges, 4) l’impact de la stratégie de la Poursuite sur le témoignage, 5) l’usage et le mésusage des termes de mariage et d’épouse par la Poursuite et 6) finalement le décès du témoin et les conséquences du traumatisme sur le témoignage.  [Cliquez ici pour lire l’article complet]